La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour ADHP) a été créée par le Protocole du 11 janvier 1998 adopté à Ouagadougou (Burkina Faso)[1]. Il fait suite à plusieurs protocoles mettant en place différentes juridictions[2]. Auparavant, l’Acte constitutif de l’Union Africaine de 2001 prévoyait une Cour africaine de justice qui a vu le jour avec le  Protocole de Maputo du 11 juillet 2003[3]. Le 1er juillet 2008 à Sharm-El-Sheikh (Égypte) a été adopté leProtocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. En 2014, un nouveau Protocole élargit les compétences de la Cour pour lui adjoindre le contentieux pénal de la répression des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité[4].  

Les Protocoles de 2008 et de 2014 ne sont pas encore entrés en vigueur faute de recueillir le nombre de ratifications exigées. Dans l’attente de l’opérationnalité de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, c’est la Cour africaine des droits de l’homme et des Peuples qui est un organe de la Charte africaine des droits de l’homme qui continue d’exercer ses missions jusqu’à son remplacement[5].

Quelques années après sa création, la Cour ADHP fait l’objet d’une attention particulière dans la doctrine. Qualifiée de « miroir standhalien»[6], de « mimétismeinstitutionnel[7] », ou de « reproduction » de la Cour européenne[8], elle n’en demeure pas moins une « avancée », et un « mécanisme de renforcement du système africains de protection des droits humains[9]» ainsi que « le dernier rempart de la protection des droits de l’homme »[10].  Cette juridiction continentale de protection des droits de l’homme vient parachever le système africain de protection des droits de l’homme. Celui-ci reposait pour une large part sur la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Organe quasi-juridictionnel, la Commission a été exposée à de multiples difficultés entravant ainsi son action dans la répression de la violation des droits de l’homme.

Dans ces conditions, la création d’une Cour continentale de protection des droits de l’homme apparaît comme un pas supplémentaire dans la détermination des Africains à lutter contre l’impunité. Comme toutes les juridictions internationales de protection des droits de l’homme, l’accès à la Cour ADHP est subordonné à plusieurs conditions, notamment à la règle l’épuisement préalable des voies de recours. Celle-ci revêt une importance particulière[11] et c’est la raison pour laquelle elle fait l’objet de la présente réflexion.

Dans le droit régional africain, la règle de l’épuisement des voies de recours est d’abord applicable aux communications relatives aux violations des droits de l’homme et examinées par la Commission ADHP. A cet effet, l’article 56 de la Charte africaine dispose que «pour être examinées, les requêtes doivent (…) être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale». Après, l’article 6(2) du Protocole portant création de la Cour africaine et l’article 40 de son Règlement intérieur prévoient la règle de l’épuisement des voies de recours. Concrètement, l’article 6 (2) du Protocole énonce que «la Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».

[1] F. Ouguergouz, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples – Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », AFDI, 2006, pp. 213-240.

[2] A. Soma, « Le jeu des protocoles dans le processus juridique de construction d’une Cour africaine de protection des droits de l’homme », Revue CAMES/SJP n° 002/2015, p. 118.

[3] T. Barsac, La Cour africaine de justice et des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2012, 132 p.

[4] A. Soma, « Le jeu des protocoles dans le processus juridique de construction d’une Cour africaine de protection des droits de l’homme », Revue CAMES/SJP n° 002/2015, p. 118.

[5]Yakaré-Oulé (Nani) Jansen Reventlow, Rosa Curling, “The Unique Jurisdiction of the African Court on Human and Peoples’ Rights: Protection of Human Rights Beyond the African Charter”, Emory International Law Review.

[6] A-K. Diop, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme », Les Cahiers de droit, Volume 55, numéro 2, Juin 2014, pp. 529–555.

[7] M. Mubiala, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : mimétisme institutionnel ou avancé judiciaire ? », RGDIP, t. 102, 1998/3, pp. 765-780.

[8] S. Hanffou Nana, La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Etude à la lumière de l’expérience européenne, Thèse de doctorat, Aix-en-Provence, 10 avril 2015, p. 315.

[9]F. DemekeAlemu, “The African Court of Justice and Human Rights: An Opportunity to strengthen Human Rights Protection”, Master Thesis 2010, Law European and International Law, 88 p.  

[10] P Badugue, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans le Forum permanent des cours régionales des droits de l’homme », Annuaire africain des droits de l’homme, 2020 n°4, p.46.

 

[11] « L’épuisement des voies de recours internes est la condition de recevabilité la plus examinée devant les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme » selon A. D. Olinga, « La première décision au fond de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n°5, 2014, p.2.


L’intégralité de la contribution

El Hadji Omar DIOP

Docteur en droit public Enseignant-Chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

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