La diversité des fortunes dans la constitutionnalisation des phénomènes ethnique et confrérique au Sénégal repose sur des fondements historiques et sociologiques. La coproduction dialectique des pouvoirs spirituel et temporel, par le truchement d’alliances stratégiques entre marabouts et colonisateurs, assure en zone soudano-sahélienne, la préservation et la perpétuation de l’ordre sociopolitique impérial ; alors qu’en Basse-Casamance, l’inexistence de structurations réticulaires confrériques d’organisation et de canalisation de la relation au politique, de même que la nature segmentaire des sociétés diola, suscitent en permanence tensions et rébellions, désobéissances et résistances passives. À l’indépendance, le processus d’étatisation de la société et de socialisation de l’État se construit et se poursuit autour du clientélisme politico-maraboutique ; tandis qu’au sud s’élabore un référentiel irrédentiste d’expression de frustrations relatives à un déficit d’intégration politique. L’opérationnalité de la juridicisation du phénomène confrérique est passée par la formulation-formalisation constitutionnelle d’une laïcité originale, manifestation d’une « sénégalité originelle » de la laïcité remontant à l’époque précoloniale, qui garantit absence de religion d’État, liberté de conscience et de culte ; mais repose non point sur la séparation, mais la collaboration entre le politique et le religieux. En revanche, fondée sur une sacralisation des principes de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, la posture constitutionnelle répulsive et répressive de l’ethnicité comme menace contre l’État unitaire, entretient une persistance de la violence nourrie par l’intransigeance radicale de l’État, confrontée à la détermination séparatiste, alors même qu’on assiste à l’inconsistance de la violence, dans l’évolution politique du rapport des confréries à l’État.
Mots-clés : Constitution, politique, marabouts, laïcité, Casamance, rébellion, ethnicité.