Introduction

Dans leur entreprise migratoire, les immigrants d’Afrique noire vers le mirage européen, laissent sur les barrières de Mélilla, des morceaux de vêtements, des lambeaux de chairs et une partie de notre dignité commune[1]. Ces mots de feu le juge Kéba M’baye montrent à quel point la mobilité peut constituer une tragédie pour les candidats et pour toute l’espèce humaine. Kéba M’baye met en exergue ici la partie visible de l’iceberg. En vérité, la tragédie est triangulaire : le départ est très souvent causé par une tragédie[2], le parcours est en général périlleux[3] et la destination pas toujours accueillante[4]. L’homme étant un Homo migrator, l’humanité est presque tout le temps en marche, « mue par l’instinct de survie ou l’espérance d’une vie meilleure, […] confrontée à l’Etat, puissance tutélaire ou hostile »[5]. Entre la mobilité qui le rend vulnérable et la toute-puissance de l’Etat qui n’hésite pas souvent à l’écraser, l’homo migrator a besoin d’un corps de règles protecteur et d’un système adapté pour minimiser les effets des facteurs qui le poussent à migrer. En effet, fragilisé « par l’éloignement de son cadre de vie, le migrant est en plus soumis à [une] dépendance négative à l’égard de l’Etat [de transit ou d’accueil] qui peut ne pas vouloir de lui et plus généralement au rejet par les populations autochtones et à la discrimination »[6]. C’est de cette dialectique du rejet et de la nécessité de protection que surgit notre sujet de réflexion que voici : « La protection régionale de la migration mixte en Afrique ».