La responsabilité pénale des gouvernants serait-elle devenue la poutre la plus fragile de l’édifice constitutionnel des régimes politiques africains ? La question mérite d’être posée au regard des derniers développements de l’actualité politique des États d’Afrique noire francophone. Dans les textes constitutionnels de la plupart des pays africains de succession française, la responsabilité pénale des gouvernants paraît peu organisée. Elle apparaît généralement virtuelle, expéditive, essentiellement confuse, peu intelligible et difficile d’application. Et les nombreuses révisions constitutionnelles visant ces dernières années à parfaire l’œuvre constitutionnelle des régimes libéraux africains ne portent, presque dans aucun des pays évoqués, sur la réforme du statut pénal des gouvernants.
Au contraire, les unes après les autres, elles consolident, souvent incidemment, les barrières directes ou indirectes qui protègent les gouvernants et confortent le sentiment d’impunité qui anime les citoyens. C’est notamment le cas des révisions constitutionnelles remettant en cause, dans bien des pays, la clause de la limitation du nombre de mandats présidentiels [1]
Ajoutées à la confusion et à l’imprécision des textes qui profitent à l’impunité des chefs d’Etats et des Ministres, ces révisions qui se sont hélas généralisées [2] et banalisées, installent, au sein d’espaces pourtant républicains, des pouvoirs ad vitam æternam, quasi monarchiques, permettant à leur titulaire d’échapper à la justice. Récemment, le Président guinéen, Lansana Conté, mort au pouvoir le 22 décembre 2008, après près d’un quart de siècle de règne, a ainsi pu échapper à l’application des règles et mécanismes de mise en cause de sa responsabilité pénale. Avant lui, ce sont Félix Houphouët Boigny [3] et Gnassingbé Eyadema4 [4]leurs ministres, que la tendance à l’affaiblissement de la notion par des procédés constitutionnels incidents qui relancent encore plus aujourd’hui le débat sur la pertinence, l’effectivité et l’efficacité, en l’état actuel, de la responsabilité pénale des gouvernants africains.
(…)
[1] Lire l’édifiant article du Professeur Augustin Loada sur le sujet. « La limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique francophone », Afrilex, n° 3, juin 2003, pp. 139-174.
[2] Jean-Louis Atangana-Amougou, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », Politeia, n° 7, Printemps 2007, pp. 583-622.
[3] Jean-Louis Atangana-Amougou, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », Politeia, n° 7, Printemps 2007, pp. 583-622.
[4] Le président Eyadéma Gnassingbé a accédé à la présidence du Togo à la faveur du coup d’Etat militaire du 13 janvier 1967. Il réussit à s’y maintenir trente huit (38) ans durant malgré l’éprouvante conférence nationale, la transition politique et la démocratisation du régime. Il ne fut dépossédé des rênes du pouvoir et du contrôle du pays que par la maladie et la mort qui intervint le samedi 05 février 2005.