A tort ou à raison, pour le meilleur et pour le pire, certaines élites béninoises ont fait de la Conférence nationale de 1990, la pierre d’angle du nouveau contrat social qui fonde les institutions et la vie politique nationales depuis une trentaine d’année. Dans un pays de culture et de civilisation fortement imprégnée de vodoun, on a tôt fait de fétichiser le déroulé de la conférence, les acteurs et leurs rôles, les extrants normatifs et programmatiques qui en sont issus. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle a forgé l’expression « esprit de la conférence nationale« [1] tandis qu’une certaine classe politique ne cesse de se réclamer et de défendre les « acquis de la conférence nationale« .
« Qu’en termes exquis ces choses-là sont dites, » dirait le poète. Au-delà de l’autocélébration envahissante, il convient de restituer la dimension prosaïque de tous ces évènements et surtout les restituer dans leur contexte géopolitique et synchronique.
Le Bénin de 1990 était, en Afrique de l’ouest, un pays fortement esseulé dans ses orientations politiques et idéologiques. La Guinée de Sékou Touré était de l’histoire ancienne depuis la mort du leader en 1984, tandis que le Burkina Faso avait fait sa mue interne de la « révolution » à la « rectification« . Seul le Bénin continuait cette chevauchée chaotique vers un idéal socialiste scientifique, d’ailleurs vite abandonné (décembre 1989) sur les chemins éprouvants d’un ajustement structurel asséné de sang-froid et sans concession par la finance internationale.
[1]Décision DCC 06-074 du 08 juillet 2006, Président de la République, Ahossi Jean Iréné et consorts, Recueil, 2006, p. 365.