RÉSUMÉ : Dans cette contribution, l’auteur analyse les facteurs et le domaine des réformes de la législation du travail, entreprises, dans les années 1980 et 1990, au Sénégal et dans les autres pays africains. Ces pays durement frappés par une crise économique et financière sans précédent appliquent les programmes d’ajustement structurel élaborés par les institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale et le F.M.I. Dans ce contexte économique défavorable, l’auteur montre que la problématique de la réception des droits fondamentaux du travail est moins liée à une spécificité culturelle qu’à la fragilité des conditions économiques qui caractérise la situation des pays africains.
ABSTRACT : In this paper, the author analyses the factors that have conduted, in 1980s and 1990s, African countries and Sénégal, to implement labor law reforms. Confronted with unprecedent economic and financial crisis, these countries have to follow structural adjustment programs under the supervision of World Bank and I.M.F. In this defavorable situation, reception of I.L.O. core norms depend more to economic conditions than to cultural particularities.
L’Afrique sub-saharienne, se retrouve, au début des années 1980, dans un environnement international marqué par une profonde crise économique et financière. Récepteurs des crédits à des taux très bas (entre 3 et 8% par an jusqu’en 1978) résultant de la surliquidité générée par le recyclage des pétrodollars, les États africains deviennent surendettés, en 1980, au moment où la baisse des prix des matières premières leur enlève les possibilités de faire face durablement au service de leur dette extérieure. Au même moment, les pays non producteurs de pétrole, comme le Sénégal, sont affectés par le gonflement de leur facture pétrolière, contribuant ainsi à creuser le déficit de leur balance commerciale.
Les emprunts contractés dans les années 1970 contenant des clauses d’indexation des taux d’intérêt aux taux d’inflation des pays du Nord, étant de surcroît libellés en dollars, les pays africains vont être confrontés, à stock de dette constant, au triplement des charges à rembourser. La négociation avec les groupements de prêteurs publics et privés (Club de Paris, Club de Londres) conduit alors les États africains à se lier aux programmes des institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, qui leur imposèrent des mesures drastiques de « stabilisation » et « d’ajustement structurel », avec une kyrielle de conditionnalités.
La nouvelle politique économique imposée par les institutions financières internationales consacre l’hégémonie absolue de l’économique et la remise en cause des politiques protectrices socialisantes de l’État. La chute du mur de Berlin et la faillite du bloc socialiste ont fait prévaloir, en Afrique aussi, l’hégémonie du néolibéralisme et la remise en cause des politiques de protection sociale.
Des réformes majeures du droit du travail ont été entreprises dans un contexte bien déterminé (I). Les domaines des réformes du droit du travail qui, curieusement, ont été conduites dans tous les pays africains devront être également analysés (II). Enfin, sera abordée la problématique de la réception des droits fondamentaux du travail (III).
I-Contexte des réformes
Deux tendances illustrent le contexte très défavorable dans lequel les réformes ont été initiées, l’instabilité économique et sociale et la persistance d’un environnement international hostile.
A/ L’instabilité économique et sociale
Bien avant l’endettement, la crise économique est apparue, en Afrique subsaharienne, dans les années 1970, comme le résultat de plusieurs dysfonctionnements patents dans les choix économiques erronés des gouvernements :
- augmentation rapide des dépenses du secteur public sans augmentation correspondante des recettes de ce secteur ;
- tendance à défavoriser l’agriculture, principale occupation de la population active (70% des actifs) et pilier de l’économie nationale ;
- fléchissement de l’épargne intérieure s’ajoutant à la surévaluation de la monnaie, réduisant les incitations à produire et à exporter.
À ces facteurs économiques, s’ajoutait l’omniprésence de l’État [1] dans tous les secteurs de la vie économique et sociale. Elle se manifestait particulièrement par des politiques salariales imposées d’en haut et par la prééminence d’un droit étatique du travail avec « le gel » des négociations collectives [2] , se traduisant par le non-renouvellement des conventions collectives élaborées durant la période coloniale [3] .
Au Sénégal, entre 1961 (entrée en vigueur du premier Code du travail sénégalais) et 1979 (année du premier programme FMI), le Code du travail ne sera modifié que de rares fois parce qu’il apparaissait avant tout comme l’instrument d’un pacte social à sauvegarder dans un environnement économique et social instable. La question de son actualisation se posait alors de façon évidente [4].
Il faut rappeler que la politique sociale du gouvernement de L.S. Senghor était orientée vers une domestication des syndicats regroupés autour d’une centrale syndicale, régie par la doctrine de « participation responsable » [5]et affiliée au parti dominant. Les ressorts de « l’antagonisme social », créateur d’un nouvel ordre normatif, étaient, donc, surveillés et encadrés par des concertations tripartites et des concertations préalables à toute adoption de nouvelles règles [6].
Le mouvement syndical africain a connu un développement rapide dans la fonction publique et le secteur industriel et commercial. Mais, la majeure partie de la population active était occupée dans un secteur agricole et/ou pastoral, ignorant les rapports de salaire au sens capitaliste du terme, restant ainsi non intégrée dans le domaine des relations professionnelles modernes.
Avec les politiques d’ajustement structurel, ces secteurs traditionnels du mouvement syndical seront les plus touchés par la crise : faillites des grandes industries, compétition féroce de l’informel et privatisation des entreprises publiques.
Par ailleurs, la plupart des emplois créés, dans la dernière décennie, l’avaient été dans le secteur des services formel et surtout informel, dans les petites et moyennes entreprises où les syndicats ont, le plus souvent, de réelles difficultés à recruter de nouveaux adhérents.
La précarisation du
travail avec la généralisation des contrats à durée déterminée, la flexibilisation des horaires de travail et des procédures de licenciement ont entraîné une certaine insécurité, de telle sorte que le salarié est plus préoccupé par le maintien de son emploi que par l’aspiration à de meilleures conditions de travail.
Les résultats d’une enquête conduite par un sociologue sénégalais en 1990 et 1992, au sein de trois grandes firmes industrielles situées à Dakar et à Thiés ont montré que le chômage était vécu quotidiennement par les travailleurs dans leursfamilles, leur parenté et leur voisinage : 60,5% des travailleurs interrogés reconnaissaient entretenir des chômeurs dans leur ménage [7] .
Dans ce contexte, même si les taux de syndicalisation demeurent élevés (allant jusqu’à 80% dans certains secteurs), les travailleurs ont pris l’habitude de compter plus sur les solutions individuelles à court terme (endettement auprès de l’employeur ou des banques, investissements lucratifs, activités dans l’informel) que sur la confiance en la capacité des syndicats à prendre en charge leurs revendications matérielles [8].
Les travailleurs, de moins en moins nombreux, se trouvent dans l’impossibilité de satisfaire à leurs obligations sociales dans l’entretien de la famille et l’obtention de conditions de logement décentes. Un problème persistant est celui de la survie économique de l’État obligé par les institutions financières internationales à s’accrocher à au maintien du gel des salaires. Le SMIG est passé du niveau 100 en 1976 au niveau 187.81 en 1990, alors que l’indice des prix à la consommation de type africain est passé du niveau 100 au niveau 242.49 dans la même période, donc avant la dévaluation du franc CFA. On se souvient qu’après la dévaluation les salaires ne furent augmentés que de 10 à 15%. L’appauvrissement des travailleurs a, par ailleurs, été aggravé par une forte pression fiscale qui a augmenté de 31,26% entre 1980 et 1990 [9].
Au milieu des années 1980, apparaissent les nouveaux acteurs que sont les « syndicats autonomes ». Ces derniers, en particulier dans le secteur public, vont s’opposer radicalement aux mesures prises par le gouvernement dans le cadre des politiques d’ajustement structurel qui avaient abouti à des séries de licenciements, des fermetures d’entreprises, une baisse substantielle du pouvoir d’achat des travailleurs et une gestion flexible du personnel dans les entreprises.
Enfin, on ne doit pas oublier de signaler le développement des associations de solidarité de travailleurs dans les entreprises et dans les quartiers ainsi que le renforcement du secteur informel [10].
B/ Un environnement économique international hostile
Les systèmes modernes de relations professionnelles étaient organisées sur une base nationale parce que les frontières nationales correspondaient à la taille des marchés. La libéralisation du commerce international, la mondialisation des marchés financiers et l’importance grandissante de l’intervention des multinationales sur les marchés bouleversent les systèmes nationaux. Les contraintes de comparaison des coûts des facteurs de production, y compris le facteur travail conduisent les États à une course vers un certain désengagement, une plus grande flexibilité pour attirer les investisseurs. L’harmonisation de la législation sociale, envisagée dans le cadre de l’intégration juridique risque de renforcer cette tendance à la flexibilisation, l’adoption des règles juridiques étant soumises aux objectifs économiques des États [11].
Au plan technologique, le fait marquant réside dans la rapidité des transformations technologiques. Avec les satellites et la numérisation, on assiste à une seconde révolution industrielle et d’une année à l’autre, ces progrès technologiques vont bouleverser le travail tel qu’il était jusqu’ici organisé. Il est évident qu’au rythme où vont les choses, l’industrie du XXI éme siècle sera hautement automatisée et robotisée et que des milliers de travailleurs rejoindront le rang des chômeurs. On parle de la « fin du droit du travail » [12] ou de « la crise de l’obsolescence humaine ». A ce rythme, le nombre d’ouvriers manufacturiers risque de diminuer d’année en année, la plupart des tâches étant le fait des ordinateurs et des robots. Dans le même temps, on constate le développement du télétravail et l’on prédit la généralisation du travail à domicile dans le secteur des services.
Ces développements technologiques peuvent apparaître éloignés des préoccupations africaines. Mais, il convient de garder à l’esprit que les investissements directs étrangers qui peuvent améliorer la croissance économique restent très influencés par les coûts technologiques et la productivité. Ceci les conduit à rechercher des environnements de flexibilité du travail que les réformes menées en Afrique tentent d’aménager.
II- Domaines des réformes
L’échec des stratégies de développement économique, initiées après les indépendances, a été suivi par l’adoption de plusieurs programmes d’ajustement structurel. Le Sénégal a, successivement adopté, sous la pression des institutions financières internationales, un programme de stabilisation à court terme (1979 – 1980), un plan de redressement économique et financier (1980-1985), un programme d’ajustement structurel à moyen et long terme (1985-1992) et un plan d’urgence d’assainissement des finances publiques (1993-1995) [13].
Ces programmes de restructuration ont, invariablement, préconisé une plus grande flexibilité dans la gestion des droits des travailleurs et une libéralisation des normes de travail. Les politiques d’ajustement ont, avant tout, ciblé l’emploi permanent consacré par l’article 35 du code du travail. Jusqu’en 1987, il résultait de ce texte que le contrat de travail à durée déterminée ne pouvait être conclu plus de deux fois entre les même parties, ni être renouvelé plus d’une fois. La sanction de cette règle substantielle était, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées, la conversion du contrat en contrat à durée indéterminée. Les tentatives d’abrogation de ce texte furent rejetées par les syndicats de travailleurs. Les autorités durent alors se résoudre à ajouter, en 1989, des exceptions supplémentaires, amoindrissant la portée générale du texte et concernant, particulièrement, les travailleurs intérimaires et engagés pour surcroît d’activités.
Au surplus, toutes les entreprises agréées au bénéfice des dispositions du code des investissements f
urent considérées comme admises au régime dérogatoire à l’article 35 . La précarisation de l’emploi est ainsi, largement atteinte dans les années 1990. Il résulte des statistiques publiées par le Ministère du travail, en 1990, que sur 5126 contrats de travail conclus, 3153 étaient à durée déterminée, soit 62,09%. La politique de précarisation du travail s’est poursuivie, au plan législatif, par la consécration dans le nouveau code du travail de 1997 d’une nouvelle dérogation au principe posé par l’article 35 relatif aux entreprises qui « ont usage » de recourir à l’emploi temporaire, et dont la liste est établie par l’arrêté ministériel [14].
Un autre domaine important de libéralisation des règles du droit du travail est, sans doute, la matière du licenciement. La première mesure de neutralisation utilisée fut le recours fréquent aux départs négociés. Entre 1988 et 1990, trois grandes entreprises du secteur privé supprimèrent ainsi plus de 600 emplois, alors que dans le secteur public, le plan de départs négociés mis en œuvre depuis 1987 entraîna une déflation équivalente à 51% des effectifs. Dans la même période, le régime d’autorisation administrative préalable au licenciement économique fut supprimé pour les entreprises admises au bénéfice du code des investissements. La suppression de l’autorisation administrative fut généralisée en 1994 et confirmée par le nouveau code du travail, entré en vigueur en 1997. De telle sorte qu’aujourd’hui, les entreprises sont libres de procéder à des compressions d’effectif, à la seule condition d’en informer l’inspecteur du travail qui ne peut qu’exercer « des bons offices » pour convaincre l’employeur de prendre des mesures de substitution, en l’absence de toute obligation légale d’établir un plan social de reconversion.
Enfin, une des particularités de la réforme réside dans l’informalisation grandissante des relations professionnelles avec la réduction des pouvoirs de l’administration du travail et le rush des petites et moyennes entreprises industrielles du secteur formel vers le secteur informel , encouragé par une pression fiscale de plus en plus forte [15]. Il faut, en effet, souligner qu’au Sénégal, comme partout en Afrique, le secteur informel constitue aussi un lieu de refuge pour une part importante de la population active urbaine [16] que le secteur moderne ne peut plus employer [17].
Il est évident que, dans les années à venir, la loi du marché et la libéralisation économique continueront à être au centre de l’évolution des relations professionnelles au Sénégal [18].
Quel avenir radieux le droit du travail peut-il avoir dans un système de relations professionnelles dominé par des exigences antagonistes, entre un État envahi par les programmes d’ajustement et de réduction de déficit, de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, des entreprises préoccupées par leur survie et des objectifs de rentabilité dans un environnement économique marqué par une concurrence impitoyable, et des travailleurs plus soucieux de maintenir leurs emplois que de se lancer à la conquête de nouvelles conditions de travail plus avantageuses, pour ne pas dire plus humaines ? Une telle interrogation pose toute l’actualité de la réception des droits fondamentaux du travail.
III- Réception des droits fondamentaux :
La Conférence internationale du travail a adopté, lors de sa 86ème session, tenue à Genève en juin 1998, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux du travail. Il ressort du point 2 de cette Déclaration que tous les États membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’OIT, de respecter, promouvoir et réaliser les principes fondamentaux que sont :
- la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective,
- l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire,
- l’abolition effective du travail des enfants,
- l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.
Il faut d’abord rappeler que la Déclaration de l’OIT n’est qu’une déclaration et non une convention, elle n’a pas une valeur contraignante et son suivi n’a qu’une valeur promotionnelle. Il faut, ensuite, souligner que tout en affirmant que les Membres ont l’obligation de respecter les normes fondamentales du travail internationalement reconnues, la Déclaration de l’OIT rejette l’usage des normes du travail à des fins (commerciales) protectionnistes et exclue de mettre en cause l’avantage comparatif de certains pays [19]. Autrement dit, les termes de la Déclaration ne s’opposent pas nécessairement à l’usage de normes du travail à des fins commerciales autres que protectionnistes, à mois qu’elles n’entraînent une remise en cause de l’avantage comparatif de certains pays. Cette remarque pose le problème de savoir si un État membre est en droit de refuser l’importation, par exemple, d’un produit dont la production ne correspond pas aux normes du travail reconnues internationalement ou de le frapper de droits de douane plus élevés. Aucune disposition de cette Déclaration ou du dispositif normatif de l’OMC ne répond à cette question. Il semble qu’en l’état actuel, de telles sanctions ne pourraient être envisagées que dans un cas de dumping social ou d’atteinte à la moralité publique dans le pays importateur.
Dans les négociations au sein de l’OMC, relatives à l’insertion d’une clause sociale, la plupart des pays en développement, les pays africains compris, se sont montrés hostiles à l’établissement d’un lien entre le commerce et les normes fondamentales du travail. L’argument servi, reprenant celui de certains économistes libéraux, est qu’une telle clause servirait les intérêts protectionnistes des pays développés. En réalité, les pays africains se sont alignés sur la position de ceux de l’Asie du sud-ouest pour lesquels la violation des normes fondamentales du travail apparait comme un moyen d’attirer l’investissement étranger direct et de conserver ainsi avantages concurrentiels. Même si les normes en vigueur en Afrique, reconnaissent la liberté syndicale et le droit à la négociation collective, les États développent une politique répressive hostile au mouvement syndical et adoptent des règles restrictives à l’exercice du droit de grève, contraires aux normes des conventions n° 87 et 89 de l’OIT adoptées et rati
fiées dans ces États.
On retrouve les mêmes contraintes pour ce qui concerne le travail des enfants. L’argument avancé par les décideurs africains est qu’une application des normes internationales ou internes relatives à l’abolition du travail des enfants, risquerait de détériorer encore plus la situation des enfants, en les privant de leur travail sans leur offrir une scolarisation ou une formation, et en réduisant ainsi le revenu de leurs familles. Ces arguments ne peuvent pas voiler l’exploitation des enfants utilisés comme apprentis dans les ateliers de mécanique et de menuiserie. Ces « apprentis » non rémunérés passent de longues journées à travailler pour le seul profit d’un patron non déclaré, dans des situations, le plus souvent, humiliantes [20]. Cependant, il est certain, qu’avec l’urbanisation sauvage en Afrique et la crise du système éducatif, le problème de l’abolition du travail des enfants dépasse le cadre d’une simple politiquevolontariste. Seule l’aide au développement peut mettre les États africains à même d’interdire et de faire respecter l’abolition du travail des enfants sans que les familles tombent dans des situations encore plus difficiles et que les enfants puissent aller à l’école pour améliorer leurs perspectives d’avenir et celles de la société.
On pourrait en dire autant du travail des femmes qui apparaissent, un peu partout en Afrique, comme les principales victimes mais aussi les plus actives résistantes à la crise et à la désintégration économique. Plusieurs études ont montré la situation désastreuse des femmes qui, outre leur travail domestique, sont obligées de s’adonner à de nombreuses autres activités productives pour nourrir leurs familles ou compléter les revenus dérisoires de leurs époux [21]. Dans le même temps, de nombreuses organisations non gouvernementales apparaissent dans le champ de la lutte contre les discriminations sexistes à l’emploi et à la promotion des femmes salariées. Dans le secteur formel, seules 7,6% des femmes ont accès à l’emploi, la plupart se retrouvent dans le secteur informel dans des activités servant à subvenir aux besoins du ménage. Avec des conditions de travail moyenâgeuses dans certains secteurs [22], les femmes revendiquent encore un partage plus équitable des responsabilités au sein de la famille. Une forme visible de cette discrimination, en droit positif sénégalais, est sans doute la non reversion de la pension au veuf ou aux enfants en cas de décès de la femme travailleuse et l’absence de prise en charge des enfants et du mari en matière médicale et de transport [23].
***
Pour conclure brièvement, il convient de souligner la complexité de la problématique, pas seulement africaine du reste, de définitions de politiques juridiques cohérentes et socialement acceptables qui assurent l’efficacité économique tout en évitant d’être trop défavorables aux travailleurs. Un droit du travail adapté aux réalités sénégalaises et effectivement appliqué dans tous les secteurs économiques reste donc à construire.
BIBLIOGRAPHIE
KOTRANE H., Actes du 1er Congrès africain de droit du travail, Tunis,1991.
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E. BERG, « Ajustement ajourné », in Politique de réforme économique au Sénégal dans les années 1980, USAID, Dakar, 1990.
[1] B. FALL (Sous dir.) , Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codestria, Dakar, 1997
[2] En 1948, 152 conventions collectives existaient en Afrique Occidentale Française, la plupart d’entre elles avaient été signées au Sénégal. La politique de l’État sénégalais indépendant fut défavorable à la promotion de conventions et accords collectifs, les conventions collectives en vigueur dans le secteur industriel et commercial ne furent pas renégociées.
[3] M. SAMB, Les conventions collectives nationales interprofessionnelles en Afrique noire francophone, Thèse de doctorat, Faculté des Sciences jurdiques et économiques, Université de Dakar, 1989
[4] J. ISSA SAYEGH, « Faut-il actualiser le Code du travail ? », Communication au séminaire des inspecteur du travail, Dakar, 1991
[5] La « participation responsable » est la doctrine officielle qui prône l’affiliation des syndicats au parti dominant et la collaboration avec le gouvernement
[6] P. BLOCH, Labour relations in Sénégal : history, institutions and perspectives, University of Wisconsin- Madison, 1996
[7] Le salarié sénégalais entretient en moyenne une famille de dix personnes sans emploi. Voir E. BERG, Ajustement ajourné : réforme de la politique économique du Sénégal dans les années 1980, USAUD, Dakar, 1990.
[8] A. I. NDIAYE et B. TIDJANI, Mouvements ouvriers et crise économique : les syndicats sénégalais face à l’ajustement structurel, Séries de monographies, Codestria, Dakar, 1995.
[9] E. BERG, op. cit.
[10] A. NIANG, « Le secteur informel en milieu urbain », in B. Fall 1997, op. cit., p. 29
[11] J. ISSA SAYEGH, « L’intégration juridique dans les pays de la zone franc », Revue Penant, 1997, n°823 et 824
[12] Un auteur évoque cette fin du droit du travail comme l’aboutissement de la flexibilité de l’emploi. Voir B. BOUBLI, « A propos de la flexibilité de l’emploi : vers la fin du droit du travail », Droit Social, 1985 p. 239.
[13] E. BERG, op. cit.
[14] I. Y. NDIAYE et M. SAMB, « Neutralisation et flexibilisation du droit du travail sénégalais : de l’ajustement économique à l’ajustement juridique », in B. FALL, 1997, op. cit., p.103.
[15] C. ZAROUR, Étude sur le secteur informel de Dakar, USAID Sénégal, Dakar, 1988
[16] De 1986 à 1991 par exemple, le secteur informel employait trois fois plus d’actifs que le secteur moderne dans les zones urbaines, entre 1990 et 1991, il aurait, selon les statistiques officielles, créé 30 fois plus d’emplois que le secteur moderne ( Ministère du Plan et de la Coopération, 1986)
[17] A. NIANG, « Le secteur informel en milieu urbain », in B. FALL, 1997, op. cit,. p. 29
[18] H. B. HAMMOUDA, Les théories du post-ajustement : quelques pistes de recherche pour les économies africaines, Codestria, Dakar, 1998
[19] N. MICHEL, « La clause sociale entre l’OMC et l’OIT », Communication présentée au Colloque de l’IIEDH de l’Université de Fribourg sur Société civile et autorités publiques face à l’indivisibilité des droits de l’Homme, Fribourg, 12/14 novembre 1998.
[20] Les dispositions du nouveau Code du travail de 1997 instituant une allocation d’apprentissage restent inappliquées dans le secteur informel.
[21] A. MAMA, « Womens studies and studies of women in Africa during 1990 s », Working paper series, 5/96, Codestria, Dakar, 1996
[22] O. K. NIANG, « Emploi des femmes dans les entreprises de produits alieutiques », in B. FALL 1997, op. cit., p. 2
[23] Le Réseau Africain de Promotion de la Femme Travailleuse (RAFET) dirigé par notre collégue le Professeur Amsatou SOW SIDIBE développe, depuis sa création en 1996, un programme de senbilisation contre les discriminations sexuelles en matière de travail