Le juge et la justice constituent l’une des préoccupations majeures dans les États africains ; on y voit la pierre angulaire de l’État de droit, celui-ci faisant lui-même partie de la logistique primordiale du développement démocratique.

Beaucoup d’études fort intéressantes ont déjà porté sur ce sujet. Parmi elles, rappelons celles qui ont traité de l’accès des populations africaines à la justice et des obstacles auxquels elles se sont heurtées, lors du colloque organisé par l’AUPELF-UREF en 1993 à Port Louis (Ile Maurice), sur « l’effectivité des Droits Fondamentaux dans les pays de la Communauté Francophone ». L’importance de ce thème résulte de l’évidence de la nécessité pour le particulier de pouvoir accéder au prétoire afin d’y faire entendre sa cause, et faire valoir ses droits. La réalisation en Afrique d’un tel objectif exige que ces obstacles soient progressivement éliminés, pour que les particuliers puissent, le cas échéant, recourir sans difficultés à l’autorité judiciaire dont la fonction, entres autres, est de garantir et protéger leurs droits et libertés. L’effectivité du “droit à la justice” est à ce prix.

Cependant, l’accès à la justice, une fois réalisé, ne suffira pas, à elle seule, à atteindre l’objectif principal qui est le droit à la justice pour tous. S’il est indéniable que les recherches sur ce thème revêtent une importance évidente dans la construction et l’effectivité du droit en Afrique, celles consacrées au juge s’avèrent également primordiales dans les sociétés actuelles qui aspirent à l’établissement et au respect des principes démocratiques.

Les exigences de plus en plus affirmées des populations pour l’établissement de régimes démocratiques sur le continent africain, et les pressions exercées dans ce but à la fois par les pays occidentaux et les institutions financières internationales, ont ainsi amené la plupart des pays d’Afrique, depuis les années 1990, à s’engager dans un processus de démocratisation. L’une des pièces maîtresses de ce processus est indiscutablement le juge.

Aussi, le CERDRADI, dans le cadre du programme de recherche organisé et financé par l’AUPELF-UREF, a-t-il proposé au Comité de Réseau de cette institution, un projet de recherche sur le thème du « Statut du juge en Afrique », en collaboration avec des équipes des Universités Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), de Dschang (Cameroun) et de Moncton (Canada). Approfondir la recherche sur la justice en insistant particulièrement sur le juge et la place qui lui est consacrée dans ces pays, était pour le CERDRADI et ses collaborateurs un objectif essentiel. Apprécier son rôle, définir son statut et sa fonction dans les systèmes juridiques africains, identifier ses forces et ses faiblesses, ses limites, ses devoirs et obligations, autant de domaines d’où surgissent des interrogations, et dont les réponses ne peuvent être fournies qu’à l’issue de recherches diversifiées et approfondies. Autrement dit, quelles sont les attributions dont il dispose, les garanties qui assurent le bon exercice de sa fonction et l’indépendance de son pouvoir, ses relations avec les autres organes de l’État, son statut économique et social (indépendance au quotidien) dans la réalité ? Autant de questions qui nous semblent importantes de traiter dans une période où tous les observateurs s’interrogent sur l’existence ou l’effectivité des principes démocratiques dans ces pays.

C’est dans cette perspective que se situent les études que nous vous livrons dans ce numéro spécial portant sur le “ statut du juge en Afrique ”, analyses déjà présentées par leurs auteurs lors des journées scientifiques tenues à Québec (Canada) et organisées par le Réseau “ Droits Fondamentaux ” de l’AUPELF-UREF les 29-30 septembre et 1er octobre 2000 à l’Université Laval. Elles ont été publiées par les éditions Bruylant (Bruxelles) en 2001, à qui nous savons gré de nous avoir permis de réaliser ce numéro. Qu’elles en soient très vivement remerciées.

La recherche sur le juge et la justice en Afrique est loin d’être achevée. Elle soulève plusieurs questions et des thèmes de recherche à ce sujet sont d’ores et déjà définis par le CERDRADI qui les proposera très prochainement à ces différentes équipes. Les résultats de ces recherches feront bien évidemment l’objet d’une publication dans cette même revue.

Alioune Badara FALL

Rédacteur en chef - Chef de projet Professeur des universités - Droit public Co-Directeur du CERDRADI

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